Le Chalet pour Nina Medioni. Texte rédigé pour le Beaux-Art Hors série consacrée au regards du Grand Paris - 2021-2022, échelle du temps

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« Dans ces maisons vivent des gens. Dans ces gens vivent des maisons »
Kate Tempest
Écoute la ville tomber

En 1867 avait lieu, pour la seconde fois à Paris, la 7ème Exposition universelle. Les différents pays participant redoublèrent d’originalité pour présenter un aperçu de leurs avancées techniques. Ces manifestations étaient alors les symboles d’une Europe et d’une époque nouvelle dont Victor Hugo dira qu’« [Elle] sera illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale au reste de l’humanité. [1]» Puis il y a eu les guerres, les indépendances et les révoltes. Les Expositions universelles apparaissent désormais comme les portes étendards d’une modernité aussi obsessionnelle qu’obsolète, d’un impérialisme européen fanfaron doublé d’un libéralisme violent et d’un humanisme hypocrite. 

C’est au cours de cette exposition qu’était présenté, sur le champs de Mars, un chalet qui fut ensuite déplacé rue de Meaux dans le 19ème arrondissement. Son origine incertaine (savoyarde, ou roumaine) alimente son histoire mystérieuse, qui fait irruption dans la vie de Nina Médioni en 2010 lorsque son oncle rachète la bâtisse. L’artiste décide alors de réaliser une série de portraits vidéos des habitants du quartiers et des passants, afin d’écrire l’histoire populaire et actuelle du lieu. En s’emparant des narrations individuelles plutôt que des archives publiques pour définir le rôle que joue désormais le chalet dans le paysage urbain, cette sorte de long micro trottoir permet également à l’artiste de s’interroger à propos de sa propre place au sein du quartier.

De ce projet, le chalet devient le personnage principale, obsédant, invisible car jamais filmé. Il hante la ville et ses habitants en résistant à l’Histoire, aux destructions et à l’oubli, mais il est également hanté par les personnes qui chaque jour le nourrisse de leurs rêves, de leurs espoirs et de leurs souvenirs. En écoutant et collectionnant ces témoignages personnels, l’artiste continue encore une fois, d’offrir un véritable pouvoir mémoriel à l’intimité et une force salvatrice à l’imaginaire.

[1] Victor Hugo, Introduction au Paris - Guide de l’exposition universelle de 1867  Paris : Librairie internationale, 1867 : Chapitre I "L’Avenir".

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