Marie-Mam Sai Bellier

Texte réalisé à l'occasion de l'exposition personnelle de Samuel Chochon à Feria, Marseille.
Novembre - décembre 25

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Je me demande si les forts intérieurs changent de formes et de places selon les individu·es et les cartes d’émotions que l’on se créé ?

Pour Samuel Chochon, àl’origine de cette exposition, il y a l’image de la couverture de l’album Plastic Beach (2010) du groupe de musique Gorillaz. Surcette pochette, on voit une île en forme de trognon de pomme faite de déchets accumulés, au milieu d’une eau bleue noir, surplombée d’un bâtiment blanc et entourée de bateaux pirates. Cette illustration devient l’image latente d’un mondeaquatique que l’artiste gardera à l’esprit tout au long de la production de cette exposition. En parallèle, il conserve également dans un de ses tiroirs mentaux, un rêve d’été, celui d’un fruit magique, ressemblant à une clémentine mais dont lapeau de briques renfermerait de la pulpe qui contiendrait des scènes de la vie quotidienne. Ces deux objets sont ainsi devenusles amorces principales du projet Dry Land / le fort intérieur. Le titre de cette exposition est, quant à lui, un écho direct à l’îlerecherchée par les personnages du film Water World (Kevin Reynolds, 1995) pris au piège d’un monde submergé à la suite d’une catastrophe écologique.

Je me demande d’ailleurs si l’expression « être submergé » provient d’une peur d’être englouti par
notre propres larmes ?

Quoi qu’il en soit, le DryLand de Samuel Chochon n’est pas un territoire résidu, prêt à disparaitre. Il est avant tout une promesse de mouvement, un moyen de contrer la stagnation, une vision d’un espace intoxiqué mais salvateur où pousserait des fruits agglomérés. Il est parnature imparfait, aride et fragile mais il est le territoire qui permet à l’artiste de déployer un paysage infini, ouvert, un landd’émotion(s). Pour cela, Samuel Chochon a réalisé un ensemble de petites toiles au format cartes postales ainsi qu’une, bienplus grande, où la profondeur du champ de vision, l’alternance des plans et des transparences semble être un moyen de cartographier, et donc de déplier, les affects, aussi contradictoires et paradoxaux soient-ils.

Je me demande d’ailleurs si l’expression « vague d’émotion » provient d’une peur sincère de se faire

emporter « au loin » ? Quoi qu’il en soit, c’est à partir de cette architecture, de cette vision flottante offerte par la grande toile, que Samuel Chochon a également réalisé deux nouvelles typologies de pièces. D’abord, des petits dessins sur revers de cartons aluminiums, sorte de fragments de paysageset d’objets rattachés aux fugaces, mais parfois troublantes, sensations qui peuvent émaner du fort intérieur. Et puis, il a pourla première fois réalisée des sculptures en plâtre à partir de contreformes de chapelier trouvées à Marseille. Ces excroissances sont devenues progressivement des objets transitionnels, telles des bouées apotropaïques dont les formes rappellent desnénuphars non-éclos, un peu grotesques et un peu timides mais dont la principale qualité est de naître dans une eau boueuse etd’éclore sans tâches, jouissant joyeux de leur imperméabilité.

Quoi qu’il en soit.

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